Economie Circulaire : tendances et opportunités

50 Partners
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8 min readApr 30, 2019

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Le mois dernier, 50 Partners IMPACT, le nouvel accélérateur de 50 Partners dédié aux startups à impact social et environnemental, organisait son premier Meetup au Loft 50 Partners. A cette occasion, trois experts de l’économie circulaire étaient réunis pour partager leur vision du secteur : Baptiste Corval, co-fondateur de Phénix, Augustin Jaclin, co-fondateur de Lemon Tri et Baptiste Fradin, co-fondateur et partner chez FAMAE Impact.

Quels sont les défis actuels des entrepreneurs de l’économie circulaire ?

Mettre en place des solutions transparentes de gestion des déchets

Aujourd’hui en France la gestion des déchets est un marché complexe et opaque. Complexe du fait de la multiplicité des règles de tri et des acteurs existants. Opaque du fait du manque de transparence sur l’utilisation des déchets autant que sur les contreparties financières que peut engendrer le geste de tri. Le défi premier est donc d’aller vers plus de transparence et de créer des initiatives qui rendent visibles le traitement des déchets et leur réutilisation.

Cette transparence, selon Baptiste Corval de Phénix, entreprise de redistribution des invendus alimentaires à des réseaux d’associations et des entreprises de revalorisation, aura deux conséquences vertueuses: assurer une plus grande traçabilité des déchets d’une part, et permettre une prise de conscience auprès du grand public d’autre part. L’enjeu est donc de réussir à mettre en place une communication et des outils de monitoring performants. C’est ce que veut faire Lemon Tri, startup qui propose une solution innovante de tri et de recyclage pour des acteurs publics ou privés, aujourd’hui capable de communiquer sur les quantités de déchets collectés, leur typologie, le lieu de leur collecte, leurs flux. “Le but est d’assurer une restitution transparente du circuit, de A à Z”, explique Augustin Jaclin.

La transparence est en fait la clé de la lutte contre le gaspillage: les consommateurs, particuliers ou entreprises, parce que les solutions sont rendues visibles, prennent conscience que la majorité des déchets présents dans leur poubelles est encore réutilisable. L’idée finale c’est de faire comprendre aux gens que le déchet est une ressource” conclut Baptiste Corval de Phénix.

Filières de gestion des déchets : nécessité de recycler en circuit court

En moyenne, un Français jette 1 kg de déchets par jour. A l’échelle du pays cela représente 868 millions de tonnes de déchets par an. Et pourtant, seuls 20% de ces déchets sont revalorisés et recyclés alors que nous avons les ressources et la capacité de les traiter. La principale raison de ce problème reste la captation et l’acheminement de ces déchets aux usines de recyclage. En moyenne, un déchet parcourt 54km avant d’être traité: un vrai frein économique et un non-sens environnemental pour les acteurs du recyclage aujourd’hui.

L’objectif pour tous les acteurs est donc de trouver une filière de recyclage proche et de raccourcir au maximum les circuits. Des entreprises comme Phénix ou Lemon Tri, sont d’ailleurs constamment en recherche de nouveaux exutoires. En l’absence de solutions de proximité, elles vont même jusqu’à travailler à la création de nouvelles filières de gestion des déchets. En effet recréer une filière est parfois la solution la plus efficace pour agir en local, “même si cela implique de travailler avec des concurrents”, reconnait Augustin Jaclin. Pour aller encore plus loin, la startup a parfois choisi de restreindre le type de déchets collectés pour ne recycler que les déchets qui peuvent se recycler localement.

L’apparition de ces nouvelles filières, qui créé chaque année de nouveaux emplois en France, montre une fois de plus que le marché du déchet est un vivier d’opportunités.

Mesurer son Impact

Autre défi soulevé, celui de la mesure d’impact. Il existe aujourd’hui de nombreux outils permettant de mesurer l’impact positif des projets, comme l’analyse du cycle de vie ou le calcul de l’empreinte écologique. “C’est un enjeu stratégique pour les entrepreneurs qui lèvent des fonds”, explique Baptiste Fradin de FAMAE, fondation familiale qui finance des projets d’économie circulaire. Bien que certains acteurs aient tendance à développer leur propre outil, l’envie générale est d’arriver à partager une grille de lecture commune de mesure de l’impact.

Du recyclage au Zéro Déchet : les grandes tendances du secteur

Le recyclage, une solution intermédiaire

Le recyclage est une solution, mais pas forcément la solution optimale” commente Baptiste Corval de Phénix.

Aujourd’hui le recyclage est la solution de lutte contre les déchets la plus connue et répandue auprès du grand public, des gouvernements ou des grandes entreprises. Historiquement les gros acteurs du déchets se sont positionnés sur le recyclage, voyant le déchet comme une source conséquente de profit.

Pourtant, au-delà du recyclage, il existe d’autres alternatives, auxquelles s’intéressent de plus en plus d’entrepreneurs. La première alternative est celle de la revalorisation des déchets (“upcycling”). Par exemple la marque de prêt à porter féminin Les Récupérables, qui transforme des chutes de tissu et textiles abandonnés en pièces mode éco-responsables.

La seconde alternative, plus efficace encore, est tout simplement la réduction des déchets. L’exemple des bouteilles plastiques est un cas d’école : aujourd’hui nous savons et pouvons les recycler. Mais l’idéal serait d’intervenir bien en amont, sur le comportement d’achat du consommateur, pour diminuer l’achat de ces bouteilles, et donc la production de déchets plastiques.

Pour nos trois intervenants, la priorité absolue est in fine de tendre vers le Zéro Déchet.

La Consigne, une alternative au déchet

Pour réduire les déchets, certaines initiatives se mettent en place, comme le retour à la consigne, qui permet d’engager directement les consommateurs. Ainsi “chacun à son niveau est ambassadeur et acteur du tri” selon nos experts.

Le système de consigne existe déjà dans plusieurs pays du monde, aux États Unis notamment, mais arrive en Europe progressivement. C’est le seul système connu qui permet un taux de récupération des emballages de 90%. Le principe est simple: on rapporte l’emballage (canette, bouteille en verre…) sur le lieu d’achat ou centre de collecte en échange de quoi on récupère une somme d’argent ou un bon d’achat. En France de nombreuses startups voient le jour sur ce modèle comme Reconcyl, Jean Bouteille ou GreenGo.

Le cadre réglementaire va d’ailleurs dans ce sens. Aujourd’hui avec le projet de Loi Alimentation, la Commission Européenne vise les plastiques à usage unique, fixant un objectif de suppression de ces derniers à hauteur de 90% horizon 2025. “Autrement dit tous les pays vont devoir passer à la consigne” conclut Baptiste Fradin de FAMAE.

L’éco-conception, une solution ?

Autre tendance du secteur pour tendre vers le Zéro Déchet : repartir de l’emballage et favoriser de nouveaux types de packaging plus éco-responsables. Pour nos trois intervenants, il est en effet impératif d’arrêter le plastique et d’investir davantage dans le développement des emballages bio-sourcés.

Il existe déjà de nombreux types d’emballages alternatifs (bio-dégradables, bio-sourcés..). Mais bien souvent, ces nouveaux emballages imitent et ressemblent trop aux emballages plastiques. Les experts soulignent la nécessité d’assumer davantage le fait qu’il s’agisse d’un matériau bio-sourcé en proposant un packaging différent des emballages plastiques. Le but est d’avoir une incidence sur le comportement d’achat du consommateur, et sur sa gestion du tri. “Pourquoi les emballages bio-sourcés ont tous cette volonté de ressembler trait pour trait aux emballages plastiques ?” questionne Augustin Jaclin de Lemon Tri.

C’est là qu’intervient l’éco-conception, qui peut jouer un rôle majeur dans le design du packaging. L’objectif de l’éco-conception est d’intégrer la protection de l’environnement dès la conception des biens en utilisant des matériaux bio-sourcés et en adaptant le design. Elle vise à réduire les impacts environnementaux des produits tout au long de leur cycle de vie, de l’extraction des matières premières jusqu’à la fin de vie.

Cette tendance n’en est qu’à ses débuts : seulement 18 % des entreprises industrielles déclarent avoir engagé des démarches d’éco-conception.

Quels conseils pour entreprendre dans l’économie circulaire ?

Baptiste Fradin, Augustin Jaclin et Baptiste Corval ont livré leurs conseils pour les entrepreneurs de l’économie circulaire :

· Être à l’écoute du besoin : la première chose à faire, comme dans beaucoup de métiers, c’est d’écouter. L’idée est d’identifier les besoins pour jauger ce que l’on peut apporter.

· Bien s’entourer : surtout n’entreprenez pas seul, entourez-vous. Il ne faut pas oublier que derrière chaque entrepreneur il y a une équipe.

· Rester humble : l’humilité est une valeur indispensable lorsqu’on entreprend. Il faut se remettre en question perpétuellement, être à l’affût de conseils.

· Mobiliser son réseau : se familiariser avec l’écosystème en assistant à des meet-up, en rencontrant des acteurs clés, des experts, etc. Il est important de mettre son énergie sur l’identification de canaux pertinents, via lesquels vous êtes davantage susceptible d’être entendu et d’avoir une position de force.

Plus spécifiquement, dans l’économie circulaire, il faut..

· Suivre la réglementation du secteur : être dans l’anticipation et l’évaluation des législations en cours et à venir. Par exemple pour Lemon Tri, la Loi anti-gaspillage a permis d’accélérer leur business. L’idée est de ne pas être dépendant de ces sujets politiques, mais de s’en émanciper.

· Anticiper ses besoins en Financement : l’économie circulaire implique beaucoup de CAPEX, ce qui représente souvent un frein. Le patron de Paprec est cité: « Pour un euro de chiffre d’affaire, il faut un euro d’investissement ». Il y a très peu de secteurs pour lesquels c’est autant le cas que pour celui des déchets, il est donc nécessaire d’anticiper ses besoins en financement.

Ces 40 dernières années, l’extraction de matières premières a plus que triplé dans le monde, les prix des matières premières augmentent de près de 6% par an et pas moins de 80% des produits manufacturés seront jetés dans les 6 premiers mois de leur vie. C’est pourquoi de plus en plus d’entrepreneurs s’engagent et réfléchissent à des solutions innovantes pour réduire et valoriser nos déchets, trouver de nouveaux cycles à ces ressources et optimiser leur flux.

Il reste encore de nombreux défis à relever pour ces entrepreneurs de l’économie circulaire entre la transparence des circuits, la gestion des filières locales et l’éducation du consommateur pour tendre vers le Zéro Déchet. Mais cette nouvelle économie semble avoir de belles perspectives devant elle : en souhaitant réinventer chaque étape du cycle de vie des produits, elle créé de nouveaux marchés et multiplie les opportunités d’entreprendre. En témoigne les levées de fonds des entreprises du secteur pour un montant total de 112M€ sur l’année 2018, soit une hausse de 78% par rapport à l’année 2017.

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Article rédigé par Pierre Callet et Lucile Brachet

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